2020 : des récoltes souvent en baisse, sous l’effet de la météo et des situations de marché très différenciées selon les produits et leur sensibilité au confinement
Après 2019, l’année agricole 2020 est une nouvelle année chaude marquée par des records mensuels de température de janvier à août. C’est également une année de forts contrastes pluviométriques, avec des excès de pluies à l’automne 2019, suivis de sécheresse au printemps 2020 et à l’été. La situation hydrologique s’améliore toutefois en début d’automne. Globalement profitables à la vigne, les conditions climatiques ont en revanche fortement pénalisé les grandes cultures et les fruits d’été, et pesé sur la production d’herbe et de légumes d’été.
À l’issue d’une campagne culturale hors norme, la production de céréales reculerait de 19 %, sur des surfaces en baisse de 0,5 Mha. Les précipitations au moment des semis de 2019 et la sécheresse, notamment au printemps 2020, ont fortement réduit les rendements. Seule la production de maïs augmenterait sous l’effet de la hausse des surfaces. Dans un contexte de récoltes limitées dans l’UE et en Ukraine (bien que confortables au niveau mondial) et de demande mondiale particulièrement dynamique, les prix augmentent sur un an, pour une qualité de céréales au rendez-vous. Après avoir été stables en début d‘année, les cours se déprécient en mars lors de l’annonce de la pandémie de Covid-19, comme sur l’ensemble du marché des matières premières. Ils se redressent ensuite, notamment depuis septembre et sont régulièrement au-dessus de ceux de 2019, tirés par la demande chinoise.
Les récoltes d’oléagineux progresseraient de 1,9 % sur un an grâce à la hausse des surfaces, surtout de tournesol, les rendements de colza ayant reculé du fait de la sécheresse. Sous l’effet de la faiblesse des disponibilités mondiales (hors soja), conjuguée à la hausse des achats de la Chine en vue de la reconstitution de son cheptel porcin, les prix des oléagineux s’accroissent en moyenne sur les neuf premiers mois par rapport à 2019. La récolte de betteraves pâtit d’une chute inédite des rendements consécutive à la jaunisse et la sécheresse. En nette hausse, la production de pommes de terre est confrontée à la réduction de la demande de l’industrie de transformation suite au confinement du printemps et aux excédents, ce qui pèse sur les prix.
Sous l’effet essentiellement des aléas climatiques, les récoltes de fruits (sauf poires) et de légumes (hormis concombres et melons) diminuent, quelquefois fortement dans le cas des fruits d’été à noyaux (abricot), tirant les prix à la hausse. Entre mars et mai, le dynamisme de la consommation à domicile qui privilégie alors les produits nationaux pendant le confinement, combiné au manque de main-d’oeuvre qualifiée et aux perturbations des circuits de commercialisation, fait grimper les prix des légumes à des niveaux élevés (jusqu’à + 30 % par rapport à ceux de la même période de 2019). À l’exception de la fraise, la crise sanitaire et le confinement du printemps n’ont pas perturbé les récoltes ni eu d’effet sur la consommation de fruits. Le déficit commercial de la plupart des fruits se réduit ; jusque-là excédentaire, le solde de l’abricot fond.
Au 1er novembre 2020, la production de vins s’établirait à 44,7 Mhl, supérieure de 6 % à 2019, l’une des plus basses depuis cinq ans, et proche de la récolte moyenne des cinq dernières années. Les vendanges ont été 4 agreste|BILAN CONJONCTUREL|DÉCEMBRE 2020 Éditorial Publication réalisée par le Service de la statistique et de la prospective (SSP) au Secrétariat général avec la collaboration de la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation précoces grâce à un printemps à la seconde place des printemps les plus chauds depuis 120 ans et un hiver doux. La qualité du millésime s’annonce plutôt bonne. Si les volumes sont au rendez-vous, la commercialisation a, en revanche, été particulièrement difficile : la fermeture de la restauration hors foyer et les moindres occasions festives pendant le confinement du printemps sont venues s’ajouter à un contexte déjà fort dégradé depuis l’automne 2019 (ralentissement des échanges avec les États-Unis à la suite de la mise en place en octobre par l’administration américaine de taxes à l’importation, vins français concurrencés par les vins chiliens et australiens sur le marché chinois, ralentissement des achats chinois). Les vins s’écoulent à des prix peu soutenus comparés à ceux de 2019.
Sur les neuf premiers mois de 2020, les productions animales augmentent légèrement en volume. Les productions de bovins finis, de porcins, d’oeufs et de lait font plus que compenser le recul parfois important dans les filières ovine, veaux de boucherie et canards. Malgré le confinement du printemps qui a favorisé la consommation de viande française à domicile, la consommation globale de viande recule, la restauration hors foyer ayant chuté. Sur l’ensemble de l’année, le déficit du commerce extérieur des viandes se réduit (sauf celui des volailles) tandis que l’excédent en produits laitiers se renforce sensiblement. Tout au long de l’année, la France, comme l’UE, a bénéficié d’exportations soutenues de viande de porc vers la Chine qui ont compensé en partie l’atonie du marché intérieur. Pendant le premier confinement, en lien avec la fermeture de la consommation hors domicile très utilisatrice de produits importés, les importations de viande et de produits laitiers se sont repliées plus fortement que les exportations. Les prix à la production des animaux se replient (- 0,6 %), notamment pendant le confinement, à l’exception des oeufs, des ovins (+ 7 % sur l’année) et, dans une moindre mesure, des porcins.
Après trois années de hausse, les prix des intrants (Ipampa) sont inférieurs à ceux de 2019 (- 2,5 % sur les neuf premiers mois de 2020) sous l’effet du net recul des prix de l’énergie, consécutif à la récession économique au printemps. Au 1er semestre, les prix des aliments pour animaux d’élevage diminuent également en moyenne sur un an, ensuite, ils dépassent légèrement les niveaux de 2019, conséquence de la hausse des cours des matières premières (céréales et tourteaux). Les prix du lait baissent, malgré la réduction des prix d’achat des moyens de production.
En 2019, les cours de l’ensemble des produits agricoles, mesurés par l’indice des prix des produits agricoles à la production, augmentent légèrement comparés à 2019 (+ 0,5 %) et de façon moins marquée que les quatre années précédentes. Ils se caractérisent par un début d’année où ils sont proches des niveaux de 2019, pour ensuite les dépasser de 1,7 % en moyenne pendant les trois mois de confinement, du fait de la forte hausse des fruits et légumes (stables sans les fruits et légumes). En sortie de confinement et jusqu’en juillet, ils s’établissent à des niveaux inférieurs à 2019, puis stagnent plus ou moins jusqu’à la reprise en octobre sous l’effet de la très grande fermeté des cours des céréales.
Sur les neuf premiers mois de 2020, la production des industries agroalimentaires (hors tabac) recule (- 2,7 %) principalement sous l’effet de la baisse des fabrications des boissons. Toutefois, la baisse est moindre que dans l’ensemble de l’industrie manufacturière. Après deux années de repli, la consommation alimentaire des ménages augmente, le confinement ayant accru le nombre de repas pris à domicile et entraîné un certain report de la restauration hors foyer vers la consommation à domicile. Les prix à la production augmentent légèrement.
La chute des exportations de vins et de spiritueux pèse sur l’excédent des échanges de produits agroalimentaires qui recule de 30 % après deux années consécutives de hausse, malgré le repli des importations de produits transformés lié à la crise sanitaire. De ce fait, l’excédent des produits transformés se contracte nettement (- 1,6 Md€). L’excédent des produits bruts est pour sa part pénalisé par la hausse des importations, les exportations ayant été soutenues par le dynamisme des ventes de céréales. La détérioration des échanges avec les pays tiers contribue pour près des trois quarts à la baisse de l’excédent global ; le déficit des échanges avec l’UE se creuse un peu plus.
Certaines de ces évolutions, en particulier la baisse de la consommation globale, notamment pour les produits « festifs » et la dégradation du commerce extérieur des boissons, pourraient être amplifiées sur les derniers mois de l’année par le nouveau confinement à l’automne.