Bilan conjoncturel 2022

En 2022, les évolutions des volumes des productions nationales sont très contrastées, entre rebond conséquent (vigne, fruits, oléagineux) et net recul (céréales, betteraves, pommes de terre et productions animales). Déjà en hausse en 2021, les prix à la production des produits agricoles s’envolent en 2022 (+ 22,7 % sur les dix premiers mois, après + 7,3 % en 2021). À l’exception des fruits, les niveaux de prix sont inédits, sous l’effet de divers chocs sur l’offre et de la hausse des coûts de production, coïncidant avec la reprise post-Covid. En février 2022, le déclenchement du conflit en Ukraine provoque une envolée sans précédent des prix des céréales et des oléagineux (resp. + 49,2 % et + 38,3 % sur les dix premiers mois), déjà élevés depuis la fin 2021. S’agissant des vins, des légumes et des productions animales, l’offre plutôt restreinte soutient les prix. À cela s’ajoute, dans le cas des viandes, la reprise de la consommation globale (hors et à domicile), sans toutefois retrouver les niveaux pré-Covid. Elle s’accompagne le plus souvent d’une augmentation des importations tandis que les exportations n’augmentent que légèrement ou diminuent. Sur les dix premiers mois de 2022, les producteurs font face à des hausses également sans précédent du prix des intrants : + 27,3 % sur un an, après + 8,3 % en 2021, en lien principalement avec les tensions sur les approvisionnements en gaz. La hausse des prix atteint 45,5 % pour l’énergie, 24,6 % pour les aliments pour animaux et 87,5 % pour les engrais.

Annie Delort, SSP

Paru le : 15/12/2022

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N° 399

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2022 : des récoltes très contrastées, sur fond de hausses historiques des prix à la production et des intrants

L’année 2022 est à la fois l’année la plus chaude jamais enregistrée en France depuis le début du 20e siècle (+ 1,5 °C sur les dix premiers mois de l’année par rapport aux normales 1991-2020), en particulier à partir du mois de mai, et l’une des moins pluvieuses (déficit de précipitations de 30 % par rapport aux normales). Ces conditions météorologiques extrêmes ont réduit la production d’herbe et dégradé le potentiel de rendement de plusieurs céréales de printemps.

En 2022, les récoltes céréalières baissent nettement en France (- 10,5 %), après le rebond de 2021, sous l’effet d’une réduction de 6,5 % de la sole des cultures d’hiver et de 28,4 % du rendement des cultures de printemps. La production est estimée à 60,5 Mt, après 67,7 Mt en 2021, et 65,5 Mt en moyenne entre 2017 et 2021 ; celle de maïs est la plus faible depuis 1990. Déjà sous tension en 2021 dans un contexte de reprise économique et de disponibilités mondiales parfois limitées chez les principaux exportateurs, les prix accélèrent de façon inédite avec le déclenchement du conflit russo-ukrainien qui fait craindre des ruptures d’approvisionnement et engendre un redéploiement de certains flux d’échanges mondiaux. Sur les dix premiers mois de 2022, les prix dépassent de 49,2 % les niveaux de 2021, atteignant leur plus haut niveau.

Du fait de la forte hausse des surfaces (+ 22,8 %), les récoltes d’oléagineux augmentent pour la deuxième année d’affilée en France. Cette croissance repose sur la production de colza, celles de tournesol et de soja ayant reculé. Déjà orientés à la hausse en 2021, les prix des oléagineux grimpent fortement à partir de février 2022, l’Ukraine étant le premier exportateur mondial de tournesol avant le conflit russo-ukrainien. Sur les dix premiers mois de 2022, les prix des oléagineux sont ainsi supérieurs de 38,3 % à ceux de 2021, atteignant des niveaux historiquement élevés. Les récoltes des autres grandes cultures (betterave et pomme de terre) sont réduites sous l’effet d’une baisse des rendements affectés par la sécheresse, mais bénéficient d’une hausse des prix.

En 2022, en France et dans la plupart des autres principaux pays producteurs de l’Union européenne – à l’exception de l’Espagne -, les récoltes de fruits se redressent après le gel destructeur d’avril 2021. Ce rebond s’accompagne d’une baisse des prix sur un an (- 8,1 %), mais grâce à la bonne tenue de la consommation, ils dépassent les cours moyens de la période 2017-2021, hormis pour la cerise et la fraise.

Les récoltes de légumes frais d’été sont en baisse sur un an (hormis pour le melon), le plus souvent affectées par la sécheresse et la canicule estivale, tandis que celles de légumes d’hiver pourraient augmenter. Sur les dix premiers mois de 2022, les prix sont en hausse (+ 5,1 % sur un an), surtout depuis septembre (+ 30 % en moyenne).

Au 1er novembre 2022, la récolte viticole française s’élève à 45,4 Mhl, en nette reprise par rapport à celle de 2021 (+ 20,0 %), fortement touché par le gel, et à la moyenne 2017-2021 (+ 6,0 %). À partir du printemps 2022, la reprisepost-Covid étant freinée par les tensions inflationnistes globales, les exportations françaises de vins fléchissent, hors spiritueux, ainsi que les achats en volume en grande distribution. En conséquence, les prix à la production des vins ralentissent sur la même période, diminuant même en octobre. Sur les dix premiers mois de 2022, ils augmentent toutefois (+ 11,2 % sur un an), surtout pour les AOP hors Champagne (+ 16,1 %).

En 2022, les productions animales sont pour la plupart en retrait par rapport à celles de 2021. S’agissant des productions bovine, ovine et porcine, la baisse s’explique en partie par la poursuite de la décapitalisation du cheptel en France et dans l’UE. Concernant la réduction de la collecte laitière, à l’impact de la décapitalisation s’ajoutent les moindres disponibilités fourragères. L’offre de volailles de chair est, elle, fortement affectée par un nouvel épisode d’influenza aviaire, d’ampleur exceptionnelle cette année, apparu à l’hiver 21-22 dans le Sud-Ouest et qui s’est propagé ensuite au Grand Ouest. La bonne tenue de la production de poulets ne compense que partiellement le recul de celle de palmipèdes, dindes et pintades. Après deux ou trois années de baisse, la consommation globale (hors et à domicile) de viande est à nouveau en progression, à l’exception de celle de volaille, sans retrouver les niveaux pré-Covid, de 2019. Pour y répondre, la France accroît ses importations tandis que les exportations n’augmentent que légèrement ou diminuent. Sous l’effet d’une demande mondiale toujours ferme malgré le ralentissement des achats chinois, les prix à la production de l’ensemble des animaux et du lait de vache accélèrent fortement en 2022. Sur les dix premiers mois de 2022, les prix des animaux s’accroissent de 23,4 % sur un an, après + 3,2 % en 2021, quand les prix du lait progressent de 18,0 % sur un an, après + 3,4 % en 2021. Ils atteignent des niveaux sans précédent depuis 20 ans dans un contexte où les éleveurs font face à une hausse historique du coût de leurs intrants.

Sous tension depuis la fin 2020, les prix d’achat des intrants utilisés par les agriculteurs (Ipampa) accélèrent fortement en 2022 du fait de la guerre en Ukraine (+ 27,3 % sur les dix premiers mois, après + 8,3 % en 2021 et une stabilité en 2020). Ils sont portés par l’envolée des prix des aliments pour animaux (+ 24,0 %), de l’énergie (+ 46,6 %), et surtout des engrais (+ 93,4 %). Cette dernière reflète en grande partie le renchérissement du gaz dont l’approvisionnement par la Russie a été brutalement interrompu avec le conflit.

Parallèlement, en 2022, les cours de l’ensemble des produits agricoles, mesurés par l’indice des prix des produits agricoles à la production, accélèrent : + 22,7 % sur les dix premiers mois, après + 7,3 % en 2021 et + 0,6 % en 2020. En mai 2022, ils atteignent leur niveau le plus élevé, en hausse de 29,2 % sur un an. Depuis, ils se détendent quelque peu en lien principalement avec l’ouverture d’un corridor en mer Noire pour les exportations de ukrainiennes, tout en restant à des niveaux inégalés depuis 20 ans.

La production des industries agroalimentaires (hors tabac) est en légère hausse en 2022 (+ 0,8 % sur les neuf premiers mois). La consommation alimentaire des ménages recule pour la deuxième année consécutive, après le niveau élevé de 2020. Pour autant, les prix à la production des IAA augmentent fortement (+ 13,1 % sur les neuf premiers mois), favorisant la progression du chiffre d’affaires, dans un contexte d’augmentation des coûts de fabrication. La hausse des prix à la production aux stades agricole et industriel se diffuse au stade consommation, les prix à la consommation (IPC) augmentant de 6,1 % en moyenne sur les dix premiers mois de 2022 (contre + 0,6 % l’année précédente sur la même période).

En 2022, l’excédent des échanges de produits agroalimentaires atteint son plus niveau depuis 2013, en hausse de 41 % sur les neuf premiers mois par rapport aux mêmes mois de 2021. À l’inverse des années précédentes, la hausse de l’excédent est avant tout portée par les produits bruts à travers des exportations record de céréales. A contrario, l’excédent des produits transformés se réduit, sous l’effet de la forte hausse des importations, principalement de viande. La hausse globale de l’excédent repose en grande partie sur la réduction du déficit avec l’Union européenne, la consolidation de l’excédent avec les pays tiers étant comparativement plus faible.

Au moment de la rédaction de cet éditorial, les évolutions de prix et de coût des intrants ont été calculées avec un mois (10 mois) de plus par rapport aux fiches (9 mois).